

Que d’évolutions voire de révolutions dans le secteur de la santé. Dans l’Antiquité et au Moyen-Age, que vous souffriez d’une céphalée ou que vous mourriez de la peste, la saignée était l’un des remèdes universels qui vous était prescrit. Pendant des siècles, les miasmes, ces mauvaises odeurs propagées dans l’air, ont été tenues responsables par les médecins occidentaux de propager des maladies comme la peste noire et le choléra. Il faut finalement attendre la découverte des bactéries et des microbes pour mettre un terme à ces croyances à la fin du 17ème siècle et durant le 18ème.
En constante évolution, le secteur de la santé tel qu’on le connaît aujourd’hui est avant tout le résultat de nombreuses recherches, d’expériences et de ratés. Comme le témoigne la découverte du vaccin, de l’anesthésie ou de l’imagerie médicale, les médecins ont de tout temps, réussi à s’adapter aux progrès scientifiques et technologiques et ont réactualisé leurs connaissances pour développer et améliorer leurs pratiques.
Le numérique n’y fait pas exception. S’érigeant comme un vecteur de progrès et d’innovation au 21ème siècle, il impacte également le secteur de la santé de manière importante. Et les défis auxquels fait face actuellement ce secteur sont nombreux ! Dans beaucoup de pays, la population se fait vieillissante et vit avec de multiples maladies chroniques. Il est nécessaire de trouver une manière efficace de suivre les pathologies des patients seniors et leurs complications. De même, face à la croissance démographique, il devient impératif de trouver un moyen de désengorger des services médicaux surchargés. Face au problème prévalent des déserts médicaux, il faut réussir à créer une plus grande égalité d’accès aux soins. En d’autres termes, il faut renforcer l’accessibilité, la qualité et l’efficience des soins. Face à ces enjeux de taille, comme bien d’autres secteurs économiques, la santé devient donc à son tour numérique : on parle alors d’e-santé.
« Il faut renforcer l’accessibilité, la qualité et l’efficience des soins.
Face à ces enjeux de taille, comme bien d’autres secteurs économiques, la santé devient donc à son tour numérique : on parle alors d’e-santé. »
Véritable fourre-tout, le terme « e-santé » renvoie à l’usage combiné du numérique et des technologies de l’information et de la communication (TIC) au service de la santé et du bien-être de la personne. En réalité, ce terme unique ne traduit pas la multiplicité des mutations que connaît ce secteur. Certes, les frontières dans le monde de la « santé numérique » sont vouées à s’estomper. Mais il est important d’établir une distinction entre tous les dispositifs et disciplines qui la compose actuellement, afin d’y voir plus clair.
Quand on parle de santé numérique, on pense instinctivement à la télésanté qui est l’un des domaines les plus notoires de l’e-santé, puisqu’il s’adresse à tous. Mais de nature composite, la télésanté regroupe en réalité la télémédecine et la santé mobile (ou encore m-santé). Le ministère de la Santé définit la télémédecine comme une pratique médicale qui met en rapport, par la voie des nouvelles technologies, soit le patient et un ou plusieurs professionnels de santé, soit plusieurs professionnels de santé entre eux. La télémédecine est ainsi la seule discipline de l’e-santé à bénéficier d’une existence légale puisque le cadre réglementaire lui attribue un total de 5 actes constitutifs. Très concrètement, la télémédecine permet par exemple d’établir un diagnostic à distance, d’assurer un suivi ou encore d’obtenir l’avis expert d’un autre médecin. La m-santé de son côté, représente tout simplement le déploiement de tous les services de la santé qui se fait via ces fameuses « applis » que l’on télécharge sur son smartphone et via les objets connectés.
A la fois objet de fascination et de peur, la robotique médicale est également un secteur porteur et très prometteur de l’e-santé. A l’image de ce dernier, elle constitue un véritable microcosme d’innovation et concerne aujourd’hui de nombreux domaines de la santé : de la chirurgie à l’imagerie, en passant par la rééducation et la psychiatrie. Si théoriquement, les projets de recherche sont nombreux, dans la pratique, seuls quelques robots médicaux sont commercialisés à l’heure actuelle. Ainsi, parmi les robots déjà en usage dans le monde, on retrouve le célèbre Da Vinci qui assiste les médecins pendant les opérations chirurgicales.
Enfin, l’e-santé, c’est aussi l’ensemble des systèmes d’information de santé (SIS) et hospitaliers (SIH). Invisibles du grand public, mais véritables pierres angulaires de l’e-santé, ces systèmes organisent les échanges d’informations entre la médecine de ville et l’hôpital ou entre les différents services d’un même hôpital. Ainsi, ils ont pour but d’accroître et d’améliorer la qualité de la prise en charge des patients.
Finalement, l’e-santé, qu’est-ce que c’est ? C’est un ensemble de dispositifs très hétérogènes, avec des enjeux tout aussi différents et variés.
Parce que c’est un secteur qui connait actuellement un essor considérable, nous devons nous intéresser de plus près à la m-santé. En effet, phénomène mondial et véritable eldorado, le marché des applications de santé et des objets connectés a connu une forte croissance ces dernières années, rendue notamment possible par l’universalisation des smartphones. Son développement est tel, qu’il devient aujourd’hui l’un des principaux secteurs du déploiement de l’e-santé.
Allant du simple gadget permettant de traquer sa masse graisseuse ou son cycle de sommeil, aux applications permettant aux patients diabétiques de suivre leur glycémie ou aidant les patients atteints d’hypertension à gérer leur pression artérielle, le secteur de la m-santé offre un panel assez large d’outils divers et variés. Aussi, en raison de leur finalité médicale, certains de ces logiciels sont reconnus comme des dispositifs médicaux et assistent ainsi les médecins dans leurs pratiques. Ces applications permettent et aident au diagnostic et au traitement.
La multiplication de ces applications et le succès qu’elles rencontrent met en lumière un phénomène sociétal : celui de la transformation de la manière dont on conçoit et prend en main sa santé. Si auparavant, le patient confiait aveuglément sa santé au praticien, il participe dorénavant à certaines décisions le concernant et devient véritablement acteur de sa prise en charge et copilote de sa santé, puisqu’il doit apprendre à gérer au mieux sa vie avec sa maladie chronique. Dans un contexte d’exigences toujours plus grandes vis-à-vis des médecins, ces applications et objets connectés opèrent un changement dans la relation entre le médecin et son patien
Bien évidemment, certaines applications relèvent du gadget même si elles peuvent mesurer avec précision des données relatives à notre corps et notre état de santé. Nous évoluons dans une société où l’information et la connaissance sont à la portée de tous, où ces outils connectés sont accessibles. Chacun peut devenir acteur de sa santé, que ce soit dans la prise en charge de sa maladie ou dans le monitorage de son état physique. Mais cela ne fait pas de nous des médecins. Ce suivi se rapproche bien plus souvent de l’automesure un peu hasardeuse comme l’on pourrait parler d’automédication avec les médicaments.
Pour autant, si le développement de la m-santé se poursuit dans sa trajectoire actuelle, on peut imaginer à terme une société où l’on n’opposera plus l’e-santé à la santé, mais une société où les deux ne feront plus qu’un puisque la partie informatique aura été complètement intégrée au parcours de soins. Le secteur de la santé opérerait alors sur un modèle prédictif, préventif, participatif et personnalisé, centré sur le patient (la médecine 4P).
Ainsi, que l’on parle « d’applis », d’imagerie médicale ou de robot chirurgical, l’intelligence artificielle apparaît en filigrane comme le dénominateur commun des avancées technologiques et numériques dans le domaine médical. En effet, tous ces outils numériques utilisent massivement des données (Big Data), en particulier des données de santé. Elles sont analysées et interprétées par les intelligences artificielles qui fonctionnent dans les entrailles de ces outils numériques.
En quoi l’intelligence artificielle présente-t-elle un fort potentiel pour le secteur de la santé ? Parmi les grandes fonctions de l’IA, on trouve les capacités de prédiction et de recommandation. Tout d’abord, elle peut permettre d’identifier des tendances de manière précoce et d’établir les marqueurs génétiques
responsables de certaines maladies. Aussi, le suivi de l’efficacité de certains traitements et médicaments pourra également être facilité. A l’échelle mondiale, elle pourrait aussi aider à la prévention des épidémies et contribuer à faire progresser la médecine personnalisée. On voit alors l’intérêt d’aller vers une médecine fondée sur la prévention et non le traitement. La collecte et l’analyse des données de santé par l’IA ont donc un véritable pouvoir de transformation !
Seulement, tous ces dispositifs collectent des données de santé à caractère personnel, associées à l’identité même d’un patient puisqu’elles révèlent des informations sur sa santé physique ou mentale, passée, présente ou future. Dès lors, la collecte et l’exploitation de ces données extrêmement sensibles soulèvent un lot de questions d’ordre juridique, moral, éthique mais aussi technique.
Sur le plan technique, pour pouvoir déployer les instruments d’analyse des Big Data, les hôpitaux devront établir un système permettant la collecte et l’analyse des différentes données de santé (résultats en laboratoires, rapports médicaux, etc.). Or, ceci soulève également la question du stockage des données qui implique l’installation de structures robustes et interopérables (des data centers).Mais qui dit stockage, dit aussi nécessité de sécuriser et garantir la confidentialité des données. Or, les données médicales collectées (qui ne manquent pas aujourd’hui) ne proviennent pas uniquement des hôpitaux et des institutions liées à la santé, mais proviennent aussi de la m-santé par exemple. Ce qui veut tout simplement dire que certaines de nos données médicales sont stockées et gérées par des géants d’Internet tel que Google, Apple ou Facebook.
Inévitablement, ceci soulève la question du cadre juridique à instaurer (dans le respect de la RGPD) pour prévenir de toutes dérives potentielles dans l’usage qui va être fait de ces informations. L’OMS recommande par exemple de légiférer la mise sur le marché des applications de santé mobile.
Finalement, véritable serpent de mer, on se rend compte que la mise en place d’un système de santé reposant sur le Big Data relève d’une course d’obstacles. Le plan national « Ma santé 2022 » qui prévoit la préfiguration d’un « Health Data Hub » et le projet du dossier médical partagé montre qu’il existe une volonté institutionnelle d’exploiter les données de santé au service du bien commun. Seulement, une telle transformation risque de s’avérer plus ardue dans un pays comme la France, où il est très facile de s’embourber dans l’héritage et la conception historique de son système de santé.
Dans un monde en perpétuelle évolution, si les spéculations sur l’avenir du secteur de la santé vont bon train, qu’en est-il des métiers de la santé ? Essayons un peu d’imaginer les professions de demain !
Au regard de ce qui a été dit jusqu’à présent, on peut s’accorder sur le fait que la donnée aura une grande importance. A tel point qu’apparaitront des métiers comme le « human data analyst » dont la mission sera d’analyser les données recueillies par les applications et objets connectés, afin de déterminer les facteurs à l’origine de pathologies et ainsi pourquoi pas, apporter des conseils personnalisés aux individus pour améliorer leur hygiène de vie. Et si cette mission venait à être déléguée à une intelligence artificielle, pourquoi ne pas devenir algomédiceur ? Vous aurez ainsi pour tâche de concevoir des algorithmes pour aider la prise de décision des médecins.
Dans un futur proche, on pourrait aussi voir apparaître des concepteurs ou imprimeurs d’organes. Avec le développement de l’imprimante 3D, on peut aisément imaginer demain un spécialiste de l’impression des tissus et organes humains. Pour rester dans le domaine de la biologie, la santé de demain nous permettra peut-être aussi de modifier génétiquement les bébés, mais si, et seulement si nous franchissons les barrières éthiques actuelles. Ainsi, c’est la mission qui sera confiée au génogrammeur si vous souhaitez avoir une fille intelligente aux yeux de couleur miel, ne souffrant pas d’hémophilie comme vous.
Aujourd’hui, la réalité virtuelle est déjà utilisée pour aider les soldats atteints de stress post-traumatique ou pour faciliter la rééducation après un accident cardiovasculaire. A mesure que cette industrie se développe, elle pourrait demain, avoir des applications thérapeutiques plus nombreuses. Nous verrons alors apparaître des opportunités de carrière pour celles et ceux ayant une formation médicale et / ou des compétences dans la production de plateformes de réalité virtuelle spécialisées.
Dossier réalisé par Akiran Kirupakaran
Aller plus loin :
https://usbeketrica.com/fr/article/comment-intelligence-artificielle-repond-defis-sante-de-demain
https://usbeketrica.com/fr/article/le-big-data-change-notre-facon-d-apprehender-la-maladie
https://www.lasantedemain.com/
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