

Plus d’un Français sur deux (53 %) reconnaissent souffrir de « fatigue informationnelle », suscitant « régulièrement » (15 %) ou « de temps en temps » (35 %) du stress ou de l’épuisement. Fiabilité, caractère anxiogène et traitement polémique entraînent une prise de distance avec l’actualité et la volonté de s’informer.
Les usages actuels, fragmentés et démultipliés font qu’un tiers des Français (35%) admettent devoir faire des efforts pour s’informer correctement, dont un sur dix « beaucoup » d’efforts.
Cette étude montre que les jeunes ne sont pas épargnés par ce phénomène, et il semblerait même qu’ils sont ceux qui en souffrent le plus.
Dans ce contexte de fragmentation et multiplication des usages, rien d’étonnant à ce qu’un tiers des Français (35%) admettent devoir faire des efforts pour s’informer correctement, dont un sur dix « beaucoup » d’efforts. Une difficulté davantage éprouvée par les plus jeunes (48%) et ceux qui tiennent à s’informer régulièrement (49%).
Les plus fatigués sont, en revanche, plus actifs dans leur rapport à l’information : 48% la partagent (pour 40% de l’ensemble), 34% la commentent en ligne (pour 29%), 9% envoient des courriers aux animateurs ou appellent des émissions de radio (6%).
Ces résultats s’inscrivent en faux par rapport à l’idée très répandue selon laquelle « les jeunes » sauraient s’orienter dans cet univers informationnel fragmenté, leur hyperconnexion constituant un atout pour y voir plus clair.
Ce que montre l’étude est qu’au contraire, quelle que soit la catégorie de population ou d’âge, l’hyperconnexion et la surexposition aux informations ne garantissent pas le fait de pouvoir s’informer sans difficulté, ni sans conséquence.
Comme le relate la série d’articles des membres d’Information pour le Monde Suivant / C’est quoi l’actualité ? dans Usbek et Rica, l’information historiquement est produite par les médias et les journalistes, pour éclairer, donner de la compréhension, et il lui arrive d’être supplantée par le « récit » produit également par les médias mais aussi par chacun d’entre nous puisque l’on peut devenir producteur et diffuseur de contenu grâce aux technologies individuelles. |
L'univers des "Super Size News" auquel l'étude fait référence semble particulièrement impacter les jeunes.
" Faute de freins, faute d’hygiène informationnelle, faute d’éducation concrète aux médias"
Comment réagir face au flux d’information ? quelles stratégies mettre en place ?
Chacune de ces stratégies est d’ailleurs davantage pratiquée par les plus fatigués.
La conséquence la plus marquée est donc le fait de limiter ou de cesser de consulter les informations pour 77% de Français, dont 28% régulièrement. Et c’est le cas de 90% des plus fatigués.
Ce retrait est motivé avant tout par :
Il est intéressant aussi de constater que, pour 16% de ceux qui lâchent, le fait que les médias ne rendent pas compte de ce qu’ils vivent et de leurs opinions joue un rôle. Un sur dix invoque la perturbation de leur capacité à se concentrer sur des choses plus importantes.
Appelée « mal info » par le sociologue des médias Denis Muzet en référence à la « malbouffe » (fast-food, grignotage permanent), quand est né l’infobésité (ou surcharge informationnelle) ? Né dans les années 1960 sous le nom d’information overload de l’expert en sciences sociales Bertram Myron Gross, ce concept a été rendu populaire par Alvin Toffler dans Le Choc du Futur, best-seller en 1970. Ce concept a été repris par David Schenk en 1993 avec le terme d’infobesity, qui traduit la surabondance d’informations. |
Une « infobésité » qui nous sature et empêche la compréhension et la décision. Cette fatigue informationnelle, à laquelle un Français sur deux est exposé, contribue, comme l’expliquait déjà Edgar Morin dans les années 1980, à étouffer les processus critiques et intellectuels.
Elle peut conduire à rechercher des informations alternatives, mais surtout la sensation de ne plus rien comprendre et le risque de renoncer à s’informer.
Deux chercheurs, Benjamin Toff, de l'Université du Minesota et Rasmus Kleis Nielsen, du Reuters Institute à l’université d’Oxford ont d'ailleurs baptisé ce phénomène d'évitement d'information le ROMO par opposition au FOMO dans l'article publié de Political Communication relayé via l'ADN.
La conclusion faite par les auteurs est que les enjeux sont majeurs : le problème peut devenir psychique, il est alors affaire de santé publique. S’il prend la forme d’une tentation de retrait, il est alors selon les auteurs de l’enquête affaire de démocratie et il rejoint d’autres études sur la fatigue démocratique et la fatigue généralisée des Français.