

En maths 50% des filles quittent la spécialité en fin de 1ère contre 30% de garçons. En Sciences de l'Ingénieur (SI) c'est 70 contre 64%. Et en Numérique et Sciences Informatiques (NSI) 66% contre 51%.
A l'issue de la seconde seulement 2% des filles prennent la spécialité NSI contre 15% des garçons. Arrivées en première, les filles sont nettement plus
nombreuses à quitter les spécialités informatiques à la fin de la première que les garçons.
Dans les écoles d’informatique et de formation numérique, les promotions de la rentrée 2017-2018 comptaient 8 % de femmes, soit un point de moins qu’en 2010.
Sur le marché du travail, en 2018 les femmes représentent 33 % des salarié·es des secteurs informatiques et numériques :
Alors qu’elles ont une plus grande réussite scolaire que les garçons, les filles s’orientent vers les filières les plus dévalorisées* et alors que les filières informatiques et numériques jouissent d’une forte valorisation sociale, l’informatique est un choix de garçons. Les lycéennes se tournent massivement vers le commerce et le marketing, la psychologie, le droit, les langues ou encore la médecine, quand les lycéens privilégient les domaines du sport, de l’immobilier, des finances et de l’ingénierie. Les filles s’orientent donc vers des secteurs féminisés (la psychologie) ou en voie de féminisation (la médecine), tandis que les garçons se dirigent vers des secteurs aujourd’hui majoritairement occupés par des hommes .
L’introduction dès la classe de 1ère de l’enseignement de spécialité Numérique et sciences de l’informatique (NSI) n’a pas apporté les résultats espérés quant à l’orientation des filles vers les filières scientifiques, informatiques et numériques, au contraire.
Des chiffres éloquents :
Taux d’abandon de 50 % chez les filles contre 30 % chez les garçons
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En NSI, taux d’abandon de 66 % chez les filles contre 51 % chez les garçons
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A l'issue de la seconde seulement 2% des filles prennent la spécialité NSI contre 15% des garçons
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Les choix d’orientation ont souvent été abordés sous l’angle social ainsi que sur la reproduction des inégalités, mais pas sous l’angle du genre.
On note la permanence d’une vision hiérarchisée des genres et des professions associées. Les lycéens et lycéennes sont porteurs.es de représentations genrées du monde du travail.
La sous - représentation des femmes dans certains secteurs, dont l’informatique, pourrait s’expliquer par des goûts propres à chacune et par l’auto-censure dont elles feraient preuve. A quoi viennent s'ajuter des sujets de violence sexuelle et sexiste dans le secteur de la tech et de l’informatique.
Comment expliquer cette faible orientation des filles vers l’enseignement NSI ?
L’image du geek est toujours présente et l’image des métiers du secteur peu attractive pour les filles, liée à la socialisation masculine : pratique des jeux vidéo, présence de figures « initiatrices ».
Mêmes canaux d’initiation et mêmes motivations ne produisent pas les mêmes effets : les filles qui font le choix de l’informatique et du numérique au lycée sont bien plus nombreuses que les garçons à l’abandonner, au cours de ces « années lycée ».
Les constats demeurent sensiblement les mêmes depuis près de 20 ans. De quelle façon l’expérience du lycée influe sur les projections des élèves et renforce ces processus d’abandons en faveur de choix d’orientation plus traditionnels ?
Dans l’étude, l’idée selon laquelle les filles et les garçons auraient des capacités différenciées dans les matières scientifiques ressort notamment des entretiens réalisés avec les professionnel·les, y compris chez celles et ceux qui se déclarent vigilant ·es aux enjeux liés à l’égalité femmes hommes. Ces équipes éducatives ne sont pas assez outillées pour penser des actions en faveur de l’égalité filles-garçons.
Le lycée contribue à accentuer les inégalités de genre, notamment dans l’orientation, et peut désinciter les lycéennes à se diriger vers les filières informatiques et le numérique.
La spécialité NSI est une des disciplines fortement investies par les garçons : 82% des effectifs à l’échelle nationale, ce qui entraîne un déséquilibre sur l’expérience qu’en font les filles :
Les raisons d’abandon de la NSI de la 1ère à la Terminale évoquées par les lycéennes :
Ce sont moins les modalités d’enseignement de la NSI en tant que telles (travaux de groupe, exercices pratiques, apprentissage en autonomie) qui conduisent les lycéennes à ne pas poursuivre que :
Leur impression grandissante de ne pas être « à leur place » est renforcée par l’interprétation, par elles -mêmes et par les professionnel·les qui les accompagnent, des hésitations qu’elles expriment comme autant de preuves d’une « erreur » d’orientation initiale.
Le taux d’abandon de la NSI entre la 1ère et la Terminale par les filles à l’échelle nationale est de 66%.
Le paradoxe : alors que la NSI a été créée dans le but d’initier et d’éveiller l’intérêt des élèves de lycée pour l’informatique, c’est l’expérience même de la spécialité qui exclut, de façon durable, les filles de ces filières.
L'étude montre que les éléments apparus dans les années 2000 sont toujours d’actualité. Représentations genrées des métiers, projections des élèves : ces domaines, et notamment les filières informatiques et numériques, continuent d’être perçus comme des domaines « d’hommes ».
En conséquence, agir sur les représentations genrées du monde du travail qui sont portées par les élèves est une première étape mais ne suffit pas pour lever efficacement les freins à l’orientation des filles vers les filières informatiques et numériques.
Il y a un enjeu, tant dans l’enseignement et l’accompagnement des élèves dans leur scolarité et leur orientation, de lutter contre le sexisme dans l’institution scolaire et de donner les moyens aux professionnel∙les d’analyser au prisme du genre leurs pratiques et représentations.
Les différentes recommandations portent sur 3 axes :
Axe I : Augmenter la part de filles choisissant et se maintenant dans les enseignements scientifiques et numériques
Ex : Construire un Guide d’enseignements pour les enseignants des matières scientifiques et numériques afin de lutter contre les biais sexistes, mettre en place des espaces de paroles à destination des filles qui poursuivent des enseignements en lien avec l’informatique et le numérique
Axe II : Améliorer l’accompagnement des élèves dans leur processus d’orientation
Ex : Communiquer davantage sur la diversité des métiers et des secteurs vers lesquels les disciplines scientifiques et numériques permettent d’accéder
Axe III : Mieux prendre en compte et former les professionnel·les aux enjeux liés aux inégalités et aux stéréotypes de genre, dans l’enseignement et dans l’accompagnement des jeunes au cours de leur scolarité.
Ex : Rendre obligatoire les formations approfondies qui visent directement la lutte contre les stéréotypes et les pratiques sexistes chez les personnels de l’éducation nationale en formation initiale ou continue.
Lire l'étude
Méthodologie
pour analyser en profondeur les processus de construction des choix des élèves, tout au long du lycée puis en fin de terminale, une enquête qualitative longitudinale a été déployée de 2018 à 2021. Elle s’est déroulée dans cinq lycées de la région Île‑de‑France présentant des caractéristiques diversifiées. Dans chacun de ces lycées, une classe de seconde a été sélectionnée, rassemblant des élèves suivant de préférence l’option Informatique et création numérique (ICN).
Au total, 330 entretiens semi-directifs ont été menés : 304 auprès d’élèves de lycée entré·es en classe de seconde en septembre 2018 (dont 161 auprès de filles), et 26 auprès de 29 membres des équipes éducatives (personnels de direction, enseignant·es de disciplines scientifiques et professionnel·les de l’orientation). 18 observations in situ de cours de disciplines scientifiques ou numériques et de séances d’orientation ont par ailleurs été réalisées.